18 Chansons de la Patrie amère - Poèmes
1. LE SECOND BAPTEME
De pauvres mots
Mouillés de larmes, mouillés d'amertume
C'est là leur second baptême
Les oiseaux qui inventent leurs ailes
Se mettent à voler, se mettent à chanter
Et ces mots que l'on cache
Sont ceux de la liberté
Leurs ailes sont des épées
Qui déchirent le vent
2. CONVERSATION AVEC UNE FLEUR
Cyclamen des Cyclades, dans un creux de rocher
Où as-tu trouvé des couleurs pour fleurir
Où as-tu trouvé une tige
Pour te balancer
Dans le rocher j'ai recueilli le sang goutte à goutte
J'ai tissé un mouchoir de roses et maintenant
Je récolte du soleil.
3. ATTENTE
Ainsi avec attente les nuits sont devenues si longues
Que la chanson a pris racine et a grandi comme un arbre
Et ceux qui sont en prison, ô ma mère, et ceux qui sont en exil
Chaque fois qu'ils poussent un soupir... regarde!
Ici une feuille de peuplier tremble
4. PEUPLE
Petit peuple lutte sans épées ni balles
Pour le pain de tous, pour la lumière et pour le chant
Il garde dans sa gorge ses cris
De joie et de peine
Car s'il essaye de les dire
Les pierres se fendent
5. COMMÉMORATION
Dans un coin de la salle se tient le grand-père
Dans l'autre coin, dix petits-fils
Et sur la table neuf cierges sont enfoncés dans le pain
Les mères s'arrachent les cheveux et les enfants se taisent
Et par la lucarne la Liberté, la Liberté regarde et soupire
6. AURORE
Rayonnante et généreuse, petite aurore du printemps
Rayonnante et généreuse, te regarde de tous ses yeux
Rayonnante et généreuse, te souhaite la bienvenue
Deux charbons dans l'encensoir et deux grains d'encens
Rayonnante et généreuse, cette petite aurore
Trace une croix de fumée
Sur la porte de la Patrie
7. ÇA NE SUFFIT PAS
Pudique et sobre, il parlait peu
Il admirait la création
Mais quand l'épée l'a foudroyé
Il a rugi comme un lion
Maintenant la voix ne lui suffit pas
La malédiction ne lui suffit pas
Pour dire ce qui est juste
Il lui faut un fusil
8. JOUR VERT
Jour vert ardent, bonne pente parsemée
Clochettes et bêlements, myrtes et coquelicots...
La jeune fille tricote les objets de sa dot
Le jeune homme tresse des paniers
Et les boucs, le long du rivage
Lèchent le sel blanc.
9. LITURGIE (Célébration)
Sous les peupliers
Les oiseaux et les partisans
Se réunissent au mois de mai
Pour célébrer leur liturgie
Les feuilles brillent comme des cierges
Sur la terre du pays natal
Et dans le ciel, un aigle lit l'Evangile
10. L'EAU
Un peu d'eau sur le rocher
Un peu d'eau purifiée par le silence
Par le guet de l'oiseau, par l'ombre du laurier
Les partisans la boivent en secret
Comme l'oiseau ils relèvent la tête
Et bénissent leur mère misérable, la Grèce.
11. LE CYCLAMEN
Un petit oiseau rose lié par un fil
Avec ses petites ailes ondulées
Vole vers le soleil
Et si tu le regardes une seule fois
Il te sourira
Et si tu le regardes deux ou trois fois
Tu te mettras à chanter
12. FILLES GRÊLES
Des filles grêles
Sur le rivage
Récoltent le sel
Courbées, elles ne voient pas la mer
Une voile
Une voile blanche leur fait signe du large
Elles ne l'ont pas aperçue et la voile noircit de tristesse
13. LA CHAPELLE BLANCHE
La chapelle blanche sur la pente
Face au soleil
Fait feu
De sa fenêtre meurtrière
Et pendant toute la nuit
Sa cloche tinte doucement
Dans le feuillage des platanes
Pour la fête du Peuple Saint
14. EPITAPHE
Le brave qui est tombe la tête haute...
La terre humide ne le recouvre pas
Les vers ne le rongent pas
La croix est comme une aile sur son dos
II s'élève de plus en plus haut
II rencontre les aigles et les anges dorés.
15. ICI LA LUMIERE
La rouille ne peut rien contre le marbre
Ni les chaînes contre le vent
Ni les chaînes contre le Grec
Ici la lumière, ici le rivage
Lèchent l'or et l'azur
Sur les rochers, des cerfs gravent leur empreinte
Et mâchent des chaînes rouillées
16. LA CONSTRUCTION
« Comment va-t-on construire cette maison-là ?
Qui va poser les portes ?
Alors qu'il y a peu de bras
Et que les pierres sont insoulevables
Tais-toi! Les mains prennent de la force en travaillant
et leur nombre s'accroît
...Et n'oublie pas que toute la nuit
Les morts aussi nous aident.
(Traduction Mario Bois)
17. PROMIS À LA LIBERTÉ
Ici se taisent les oiseaux
et les carillons de la résurrection
dans le silence amer du Grec
qui veille ses morts –
aiguisant sur la pierre du silence
les griffes de sa vaillance
Seul et sans aide
promis à la Liberté.
18. NE PLEURE PAS LA GRÉCITÉ
Ne pleure pas la Grécité
lorsqu'elle est prête à fléchir
le couteau sur la gorge
la corde au cou
Ne pleure pas la Grécité –
voilà qu'elle reprend son envol
Son courage gronde
et harponne le fauve
avec la lance du soleil.
(Traduction Irène Droit)
Σπυρος Βασιλείου :Ο θάνατος του Καραϊσκάκη